« Sans l’humain, il n’y a plus de luxe, il n’y a pas de services »

Le véritable luxe se traduit par la délivrance du service, selon Nathalie Seiler-Hayez, directrice du Beau-Rivage Palace.

Nathalie Seiler Hayez, directrice du Beau-Rivage Palace.

Quelle est votre définition du luxe ? 
La définition et les codes du luxe ont énormément évolué en dix ans. D’une véritable opulence, nous sommes passés à quelque chose de plus simple. Le luxe se traduit toujours par des produits de grande qualité, c’est un standard, mais la différence se traduit par la délivrance du service. Le client luxe veut qu’on l’inspire, qu’on le surprenne, qu’on créée des émotions par le biais d’expériences.

En tant que directrice d’un établissement 5*, à quels aspects du luxe ne pourriez-vous pas renoncer ?
L’espace. J’ai besoin d’avoir de la place. Mais aussi et surtout, la dimension humaine. Je ne supporte pas l’arrogance ; j’aime m’occuper des autres donc j’apprécie qu’on s’occupe de moi. Le contact humain est primordial à mes yeux. Au milieu de tout ce digital, on a absolument besoin d’échanger. Je ne renoncerai pas à l’humain. Sans l’humain, il n’y a plus de luxe, il n’y a pas de services.

Ce nouveau luxe, tel que vous le décrivez, devrait donc vous plaire ?
Absolument. Le luxe est pour moi synonyme de liberté. Tout doit être possible dans n’importe quel endroit. Les anciens codes ont été abolis, pour moi, le luxe revient à ne pas être enfermé dans des codes aujourd’hui dépassés.

De manière générale le luxe est un domaine qui nous fascine tous mais où les hommes oc-cupent une place prépondérante, pourquoi ?
C’est le cas dans l’industrie en général, les femmes sont encore peu présentes au niveau du leadership. Il y a trente ans, en Suisse, les femmes ne votaient pas. Le phénomène du manque de femmes dirigeantes n’est pas plus fort dans le luxe qu’ailleurs. Nous sommes encore aujourd’hui dans un processus de libéralisation des femmes. Cela dit, malgré les a priori, le luxe est un domaine qui attire tant les femmes que les hommes ; les femmes n’ont simplement pas encore eu accès à ce type de postes. Il y a tout de même quelques femmes au niveau des comités exécutifs, chez LVMH notamment.

Dans le domaine de l’hôtellerie en Suisse vous restez cependant la seule femme à la tête d’un établissement de luxe.
Cela ne représente pas une difficulté. En matière de gouvernance, j’ai un management probablement plus émotionnel qu’un homme. Je travaille avec davantage d’intuition et laisse une place primordiale à la dimension humaine. Les égos ne sont pas les mêmes chez l’homme ou la femme. Un homme préfèrera travailler avec une structure de management plus verticale alors que je préfère pour ma part quelque chose de plus horizontale. J’aime être challengée par un comité exécutif qui dispose d’un véritable pouvoir et de compétences. J’occupe une position de cheffe d’orchestre et je place l’humain au centre de mon style de management. Ce type de structure me correspond davantage.

La Suisse est-elle un pays que l’on peut qualifier de luxueux ?
Le cadre de vie en Suisse est extraordinaire.  La perception au niveau international est très claire : il y a de l’argent en Suisse, il y a les banques, les bijouteries, etc. La Suisse est donc considérée comme une destination luxueuse et chère. Mais dans la réalité, la Suisse est assez simple. Sa principale ri-chesse c’est la nature, on y trouve les plus beaux paysages du monde. Après vingt ans passés entre Paris, New-York et Londres, revenir en Suisse et redécouvrir mon pays, sa beauté et ses montagnes est une chance extraordinaire.

C’est donc cela que recherchent les gens en Suisse.
Exactement. Tout ce qui est ostentatoire plait de moins en moins. Les gens veulent de l’authentique. Au Beau-Rivage nous travaillons actuellement sur des produits d’accueil qui correspondent à cette demande et complète la gamme de produits classiques tels que le champagne, par exemple. On veut des choses plus vraies, plus locales. On veut aller vers du plus authentique, c’est exactement ce que recherche la clientèle internationale à haute contribution : la simplicité, contraire à l’opulence.

Quelle est la typologie de cette clientèle ?
Les grandes institutions de la région telles que Nestlé, Tetrapak, l’IMD, le Musée Olympique, etc. nous apportent énormément de clientèle corporate. Bien que nous soyons plus « loisirs », la clientèle corporate représente environ 30% de notre fréquentation.

Et en ce qui concerne les nationalités ?
C’est important pour nous de connaitre les us et coutumes des différentes nationalités qui viennent au Beau-Rivage Palace. Tous les clients ont leurs propres caractéristiques et leurs propres attentes. La clientèle d’Asie ou de Russie, pourtant jusqu’à présent très « bling-bling », arrive gentiment aux mêmes codes que nous. Un client du Moyen-Orient sera accueilli avec une assiette de fruits. Pas une assiette de fruits telle que vous ou moi l’imaginons, une assiette de fruits qui fait trois fois la taille d’une table. Ces clients sont encore dans l’opulence. Il est donc extrêmement important de pouvoir personnaliser nos services, tout en respectant l’identité et l’authenticité de notre établissement.

Les iraniens et les américains se rencontraient ici en 2015 dans le cadre des négociations sur le nucléaire. Est-ce que le Beau-Rivage Palace pourrait devenir une destination politique-diplomatique ? 
Pourquoi pas… quand on sait que le traité de Lausanne a été signé ici en 1923 et qu’on retrouve John Kerry des années plus tard dans le cadre de ces négociations avec l’Iran. Je pense que le lieu se prête à ce genre de choses. C’est merveilleux que le palace ait pu accueillir ces rencontres, placées sous le signe de la paix, de la neutralité. Le climat et l’ambiance du lieu favorise aussi ce genre de négociations.

Vous avez plusieurs concurrents en Suisse, comment se différencie-t-on face à des maisons qui ont elles-aussi la tradition, la qualité et qui partagent peut-être même vos idées ?
En effet, il y a des établissements magnifiques et tant mieux ! De nouveau, je pense que la dimension humaine est primordiale. Il faut s’occuper de ses clients, les soigner, les connaitre. Du moment où on a identifié leurs besoins et où on est parvenu à établir un lien émotionnel, les clients reviennent.

Pour quelles raisons vos clients choisissent-ils le Beau-Rivage ?
Car le Beau-Rivage Palace est une destination en soi. L’hôtel a une âme qui mêle tradition et innova-tion. On ne vient pas à Lausanne, on vient au Beau-Rivage. Le côté bien-être est important chez nous, cela passe également par notre offre culinaire très complète. Les gens viennent pour se ressourcer. Dès qu’on arrive à l’hôtel, on profite de la vue et naturellement, les gens sont apaisés et calmes. Je veux travailler sur des programmes qui vont dans ce sens. Il ne s’agit plus seulement de se faire masser ou de faire un soin mais de « se faire du bien à l’âme ». Avec les vies que nous menons dans les grandes villes, on a besoin de se ressourcer, on a besoin de moments privilégiés. Je veux que le Beau-Rivage fasse partie des établissements où on vient pour se refaire une santé, tant physique que psychologique.

C’est ce qui pousse un client à venir chez vous plutôt qu’à Gstaad ou à St.-Moritz ?
Il y a de véritables différences entre un hôtel de ville, de montagne ou « resort ». Nous sommes très complémentaires, j’apprécie que les clients viennent chez nous puis poursuivent leur séjour chez Eric Favre (The Alpina Gstaad), à Gstaad. Ils y vont car ils recherchent la montagne, le Beau-Rivage Palace ne peut pas satisfaire ce besoin ; c’est pourquoi nous devons vendre la Suisse comme une seule et même destination au niveau de l’hôtellerie.

Le faites-vous déjà ?
Oui, mais pas suffisamment. Nous devons nous partager la part du gâteau. Dans l’hôtellerie, celui qui ne veut pas partager, n’a rien compris. On doit s’ouvrir davantage. L’association « Suisse deluxe hotels » nous permet de mieux vendre la destination. Elle regroupe presque tous les 5 étoiles de Suisse, soit 41 établissements. Il y a énormément d’idées marketing qui naissent grâce à cette association et cela fonctionne très bien. Chaque établissement a sa propre stratégie et participe à des actions communes.

Et comment est-ce que vous vendez votre hôtel à un client chinois ?
Je vais avant tout lui vendre la Suisse. Imaginez un chinois qui ne viendrait que voir Lausanne, c’est dommage. Il faut qu’il aille à Zurich, à Interlaken, à Zermatt, etc. Si je ne fais pas cela, quelle directrice serais-je ? Nos commerciaux vendent la Suisse puis la région lémanique, le Lavaux et ensuite l’hôtel. Vendre uniquement son hôtel n’a plus de sens aujourd’hui, et ce constat est partagé par les autres établissements de luxe. Cette mentalité est très « powerful ».

Est-ce que l’avenir de l’industrie du tourisme suisse c’est ça, à savoir se vendre comme une seule entité ?
Selon moi, nous travaillons trop en silos. On se bat contre des destinations all-inclusives, c’est pourquoi tous les acteurs devraient davantage collaborer et être plus unis : les offices du tourisme, les hôtels, les cantons, etc. L’industrie du tourisme est extrêmement importante pour la Suisse mais elle n’est pas suffisamment représentée, nous avons besoin de plus de voix à Berne également. D’une manière générale, en Suisse, on ne communique pas assez haut et fort. On est trop timide. On n’ose pas vanter nos qualités et inviter les gens à venir visiter le plus beau pays du monde. Du point de vue de la communication, il y a encore du travail à faire.

Comment expliquez-vous l’affaiblissement du tourisme en Suisse ?
C’est difficile pour la Suisse de rester compétitive, avec le problème du franc fort notamment. C’est un état de fait, il faut faire avec et être plus créatifs, plus qualitatifs que les autres. L’Autriche est par exemple un très beau pays, ses prestations sont excellentes, les infrastructures sont de très bonne qualité. Il ne faut pas que les Suisses se laissent prendre des parts de marché. Il faut que l’on continue à travailler sur notre accueil. On peut encore s’améliorer. La « Gemütlichkeit » que l’on trouve en Autriche, ne se trouve plus forcément partout en Suisse. Il faut faire très attention à cela car c’est une partie importante de notre identité.

Pensez-vous que l’industrie voit cette nécessité ?
Tout à fait, les chiffres parlent d’eux même. Le franc fort et la météo ont eu un impact très fort. Le Beau-Rivage Palace a souffert de la météo pour la fréquentation de ses terrasses notamment.

Quel est l’impact de ces chocs du franc sur un établissement comme le vôtre ?
Sur la clientèle à très très haute contribution, à savoir les brésiliens, les chinois ou les mexicains, ces chocs n’ont pas du tout d’impact. Le franc pourrait varier de 50% de plus, cela ne changerait absolument rien pour eux. Cela ne concerne malheureusement que la top clientèle. Ces chocs jouent un rôle pour les autres clients mais on s’en est jusqu’à présent bien sorti.

Avez-vous la possibilité de procéder à des ajustements de tarifs si le franc suisse est trop fort pour une certaine clientèle ?
Le monde est devenu global, avec internet c’est impossible, on ne peut plus réfléchir par pays.

Mais si la fréquentation baisse de manière générale, vous pourriez baisser les prix ?
Quand on fait du luxe et qu’on a le service qui va avec, on ne le fait pas. On a des employés à payer, baisser nos tarifs entrainerait une baisse de qualité. Il est inconcevable que la qualité s’en ressente. Tirer les prix vers le bas : jamais au Beau-Rivage. On doit développer du chiffre d’affaire et non casser les prix.

Cela se traduit par votre devise «La Tradition en Mouvement».
Exactement, c’est savoir faire vivre son héritage tout en restant à la page. Nous devons commencer à penser à la nouvelle génération qui a des attentes tout à fait différentes de l’ancienne génération. Que veulent-ils ? Comment est-ce qu’ils fonctionnent ? Comment assurer cette transition ?

Le Beau-Rivage Palace peut réagir aussi vite ?
Il faut. Tout va tellement vite. En cinq ans, Paris hérite de 30’000 chambres supplémentaires via Airbnb. Cela pourrait arriver en Suisse et il faudra voir l’arrivée de ce nouvel acteur dans le secteur des appartements de luxe comme quelque chose de positif car cela amènerait davantage de monde dans la région et donc davantage de clients potentiels. Le monde virtuel fonctionne comme cela. Celui qui n’est pas prêt à se remettre constamment en question restera sur le carreau. C’est pourquoi nous nous adaptons avec différentes offres, différents espaces, différentes ailes. Nous innovons constamment.

Cette capacité d’innovation est une des forces de la Suisse, c’est la raison pour laquelle vous êtes si optimiste pour l’avenir de notre économie et de notre tourisme ?
La Suisse a toujours su s’adapter. J’ai confiance en mon pays. L’économie est basée sur la confiance, si on perd confiance, on est fichu. La Suisse est diversifiée, même si c’est difficile, nous avons su tirer notre épingle du jeu par rapport à l’Europe.

Gespräch: Noémie Perrier und Pascal Ihle

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